apprendre par coeur

Ce billet fait écho à cette question que beaucoup de mamans m'ont souvent posée : "tu lui fais apprendre par coeur ?".Voici donc ma réponse, mes éléments de réflexion :

1) Tout apprentissage doit d'abord faire sens pour l'enfant. Apprendre par coeur n'est pas une fin en soit si ce n'est de faire travailler la mémoire. Auquel cas, de nombreux jeux existent et suffisent. Il est donc, à mon avis, primordial que l'éducateur s'attache surtout soit à partir des demandes de l'enfant, soit, lorsque cela est nécessaire, à bien expliquer à l'enfant pourquoi il est important pour lui de mémoriser telle date, leçon, règle, conjugaison, table etc...car l'apprentissage ne peut aller sans motivation.

2) Cela demande donc à l'éducateur, une profonde réflexion sur ce qu'il veut pour l'enfant, sur ce qui lui est nécessaire et donc se libérer du formatage scolaire dont il a fait l'objet pendant de nombreuses années. Je donne un exemple pour que vous compreniez. Voici une discussion que j'ai eue il n'y a pas longtemps:
Une maman me dit :
- mon fils ne veut pas apprendre sa leçon d'histoire. Il est d'accord pour analyser un texte, un document, il sait répondre aux questions, raconter ce qu'il a lu (donc restituer la leçon), là il n'y a pas de problème
- alors, où est le problème ?
- c'est quand il s'agit d'apprendre le résumé de la leçon par coeur, il refuse
- pourquoi lui faire apprendre par coeur le résumé d'une leçon qu'il connait ?
- il faut bien qu'il apprenne par coeur !
- pourquoi et  pour   quoi ?
Selon moi, c'est un apprentissage inutile et même bloquant pour l'enfant. Il sait sa leçon puisqu' il est capable de faire le lien entre des observations, il sait répondre à des questions et restituer. Apprendre par coeur n'a aucun sens pour lui ! Il refuse, c'est normal !
Doit on forcer à apprendre par coeur parce que ça se fait ou parce que le cpc le demande ?!

3) mais il y a bien des choses qu'il faut mémoriser me direz vous ! En effet ! Mais jamais sans avoir expliquer d'une part tout le sens de ce qui doit être mémoriser et d'autre part la nécessité de la mémoriser.

4) et la poésie me direz vous ? Ici, on apprend de la poésie parce que très tôt, je m'attache à donner aux enfants le goût des textes déclamés. MAIS : je n'ai jamais imposé un texte à apprendre ; ce sont les enfants qui choisissent le texte qu'ils souhaitent. Ce qui soit dit en passant, les obligent à lire bien des poésies pour pouvoir choisir. Mon rôle se borne à vérifier qu'ils ont compris le sens du texte qu'ils ont choisi, à tempérer quand ils choisissent trop souvent le même auteur ou le même style poétique, à leur apprendre à mettre le ton. Puis en fin de primaire viennent quelques leçons de versification. Enfin, pour leur plaisir, ils écrivent aussi des poèmes (nous voici dans l'expression écrite), qu'ils apprennent.Nous alternons aussi avec du théâtre.
Voici donc une tout autre façon d'envisager la mémorisation !

5) et les règles de grammaire, alors ? Les règles de grammaire et d'orthographe sont expliquées, parfois accompagnées de moyens mémotechniques pour les retenir. Puis viennent les exercices d'application variés, les dictées, les rédactions. Lorsqu'il n'y a plus de fautes sur la notion vue, c'est qu'elle est acquise sinon il faut la retravailler avec des exercices. J'ai vu bien des enfants connaitre des règles par coeur, mais, ne faisant pas sens pour eux, ils ne savaient pas les appliquer. Elles n'étaient pas intériorisées.

6) dans le cas de l'orthographe et de la grammaire, il faut savoir qu'avant 14-15 ans un enfant est encore immature dans ce domaine, c'est très long à acquérir. Donc pas de pression.
Devant un refus d'apprendre une conjugaison par exemple, je démontre à l'enfant lors d'un travail d'écriture qu'il ne peut pas se faire réellement comprendre de son lecteur si la conjugaison ou l'orthographe (et même la ponctuation) n'est pas respectée. Avec un ou deux exemples parlants, il réalise très vite que c'est d'abord dans son intérêt. J'ajoute toujours qu'apprendre une conjugaison pour elle même n'a aucun intérêt. C'est uniquement pour comprendre ce que l'on lit et pour se faire comprendre des autres.
Comme pour le reste, l'ancrage de l'apprentissage se fait dans le concret .

Conclusion : mes enfants apprennent très peu par coeur, souvent ils mémorisent sans s'en rendre compte, et pourtant ils savent !

Commentaires

Anonyme a dit…
Tout d'abord, je vous souhaite ainsi qu'à votre famille une heureuse et sainte année.
Félicitations pour votre travail et vos billets, toujours très intéressants. Pourriez-vous en publier un sur l'apprentissage de l'expression écrite, notamment au cycle 3 ?
Merci par avance.
Bonne année à vous ! C'est promis, je vous fais ça bientôt...
Lilly a dit…
Merci beaucoup pour cette analyse. Elle va me servir. Et bonne année à vous aussi